Παίδες, για όσους ξέρουν γαλλικά αυτή η συνέντευξη του σπουδαίου πιανίστα της jazz Laurent De Wilde είναι εξαιρετικά επίκαιρη.
Το site είναι
http://www.jazzmagazine.com/
Ο τύπος έχει εξαιρετικούς δίσκους με κλασική τζαζ και εσχάτως παίζει πολύ electro-jazz. Εδώ μιλάει για την ασχετοσύνη των δισκογραφικών εταιρειών να μπουν στη νέα τεχνολογία. Δυστυχώς είναι πολύ μεγάλη για να την μεταφράσω - αν κάποιος με περισσότερο χρόνο μπορεί, αξίζει
Γιαννης
Να η συνέντευξη...
On va du pire au pire. Je ne suis pas énervé que le jazz ne passe pas à la télé, mais je suis furieux que l’industrie musicale fasse comme si l’Internet n’existait pas. J’ai été artiste AOL-Time Warner et je les ai quittés en 2004. Eh bien ce n’est que fin 2003 que Warner a eu un site, en France. Warner étant associé à AOL je m’attendais à un site génial ! En fait, il sont arrivés trop tard, avec un truc horrible, pas fonctionnel, utilisant les standards les plus bas possibles pour pouvoir faire plaisir à tout le monde. Bref : j’ai été dégoûté. Comme disaient nos profs, ce n’était ni fait ni à faire. Bien sûr, quand on voit que mon « patron » de l’époque ignorait, en 2003, ce qu’était Google, la surprise est moins grande… Imaginez, les filles de Warner à qui j’envoyais du mp3 ne pouvaient pas les lire… Ils ont l’Internet, mais c’est pour se transmettre des graphiques de marketing. Ils n’ont aucune approche ludique de l’ordinateur, ils n’ont pas du tout la même utilisation de cette machine que leur public, ils sont donc incapables de comprendre à quel point cet appareil a révolutionné la manière de consommer la musique. Toute la campagne essentiellement répressive qui a été lancée aurait pu être très différente. Par rapport au format, par exemple : la généralisation du MP3 a commencé par des procès ! Il y a eu perte de temps, une volonté délibérée d’écraser ce système que je trouve répugnante – et surtout, pour eux, pas du tout commerçante. J’ai une théorie sur la question. Dans les années 1980, les cinq majors ont décidé d’abandonner la guerre des supports – VHS, Beta, etc. – et de tout baser sur le CD. Elles ont gagné énormément d’argent. Les gens ont refait leur discothèque, les prix ont été fixés artificiellement haut et le marché s’est envolé. Conclusion de la période : l’argent rentre mieux dans les caisses avec un bon chef marketing qu’avec un bon directeur artistique. Résultat : le marketing s’est infiltré dans tous les secteurs. Chez Sony comme chez Warner, j’ai toujours eu des « chefs de produits », jamais de directeurs artistiques. Autre évolution, l’installation progressive de la vogue des compilations. Des CD sans artistes : c’est le rêve pour les compagnies – j’ai toujours remarqué ça dans les couloirs des majors : les artistes, ils aimeraient mieux qu’il n’y en ait pas ! Ce facteur humain est perturbant, alors qu’on peut très bien régler ça entre avocats… La compilation, c’est un disque fait par des avocats. Tout ça a duré… jusqu’à l’arrivée de l’Internet. A la fin des années 1990, l’industrie du disque contrôlait bien toutes les cartes du jeu, et ça marchait bien pour elle. Mais elle a eu le tort de croire que ça allait durer indéfiniment… Elle a été emportée par un vrai délire de puissance. Et le phénomène “Star Ac” est l’aboutissement parfait de cette logique de production : l’investissement artistique est ramené à zéro, puisqu’on laisse le public décider de qui sera sa star ! C’est formidable, il n’y a plus de risque ! Le public aura forcément ce qu’il attend, forcément le dénominateur commun le plus bas… Ça aussi ça va finir par se casser la gueule. A côté de ça, l’Internet s’excite, et l’industrie aussi, à retardement. Actuellement la Spedidam et l’Adami se mobilisent pour la taxation du transfert des fichiers musicaux depuis les serveurs. C’est pas mal, je ne suis pas convaincu que ça va tout résoudre, mais au moins ça fait avancer. Il faut agiter la vase dans laquelle on patauge.
On parle beaucoup de « dématérialisation » de la musique. Ne pensez-vous pas que la rupture du lien entre musique et support, donc l’éclatement de la « cohésion » actuelle des titres d’un même CD, va induire une évolution de la musique ?
Certainement. Par rapport à l’Internet, les jeunes qui déboulent et qui ne connaissent rien se goinfrent de tout ce qu’ils trouvent. Dans la mesure où c’est « gratuit », ils remplissent leurs « poches » jusqu’à ce qu’elles éclatent ! Mais bon, sur dix thèmes il y en a un qu’ils écoutent en boucle, et c’est à la rigueur à l’auteur de ce titre-là que l’Internet porte préjudice… Mais je suis persuadé que l’Internet fait du tort à ceux à qui il fait le moins de tort. Autrement dit, Quand Madonna « perd » deux millions de disques téléchargés gratuitement, elle en vend encore quatre. Ça ne me gêne pas. Ah bien sûr, Pascal Nègre va alors nous annoncer que chaque téléchargement l’assassine, lui personnellement, sa famille et ses descendants… A mon niveau, ça n’a pratiquement aucun effet. Ce qui ne relativise en rien le fait que toute l’industrie du disque est en train de s’effondrer. Là où je vous rejoins c’est qu’effectivement, ça va changer radicalement l’approche : tout va devenir du « one shot ». Mais c’est de fait ce qui se passait déjà quand on « remplissait » un CD autour d’un thème fait pour marcher. En jazz, au contraire, on a toujours considéré les albums comme des œuvres totales, avec des choses qui s’enchaînent pour raconter une histoire, etc., c’est donc différent. Dans l’idéal, un bon disque est fait de thèmes qui sont tous bons et qui reflètent tous l’ambiance du CD. Théoriquement, le fait de découper en tranches ne devrait pas avoir beaucoup d’effet. Le lombric coupé en morceaux continue de s’agiter…
Et se multiplie…
C’est vrai ! En fait, c’est par rapport à la consommation de la musique que les choses sont en train de changer énormément. On n’a pas encore fini de faire le tri. L’industrie ajoute un zéro à ses pertes, exagère, mais a raison de s’inquiéter. Hélas, faute d’imagination, le réflexe répressif se développe dans les compagnies ! Quand on a n'a pas d’idées, on cogne. Mais ils ne vont pas pouvoir poursuivre indéfiniment des infirmières, des enseignants, des libraires… Ce qui est horripilant, au fond, ce n’est pas que la musique soit écoutée gratuitement, c’est qu’il y ait des gens qui la volent, des gens qui font de l’argent avec. Ce n’est pas au même niveau. J’aimerais bien savoir où va le business de la musique. Tout le monde attend que quelque chose de nouveau se mette en place, alors que les Majors veulent continuer de travailler à l’ancienne. Quand on les voit s’agiter contre le peer-to-peer alors qu’il existe déjà des logiciels capables d’aller enregistrer sur des radios en ligne le titre qu’on veut, il y a de quoi rire ! C’est un seau qui est percé de toute part. C’est passionnant et… désespérant à la fois !
Propos recueillis par Christian Gauffre